COP16 : Cancun, un an après Copenhague
Posted on 29. Nov, 2010 by thomasmatagne in E.U., France
Il y a un peu moins d’un an, les délégués de 194 pays débarquaient à Copenhague pour la 15ème Conférence des Parties (COP15), accueillis par un froid polaire et une pression médiatique brulante. La société civile était également très présente, très pressante. Ce lundi 30 novembre s’ouvre la COP16, à Cancun, au Mexique. Et pour ce qu’on a pu en voir ce dimanche, l’ambiance va y être très différente.
Tout d’abord le cadre est évidemment sans rapport : à la place du paquebot faisant office d’hôtel pour la société civile, ici ce sont de vrais grands buildings-passoires-énergétiques qui se succèdent le long de la lagune. La (grosse) voiture est indispensable pour se déplacer (pour la conférence, des bus gratuits aux passages peu réguliers ont été mis en place). L’aménagement urbain à l’américaine (c’est-à-dire très espacé) dans cette station balnéaire d’un pays en développement donne un aperçu bien triste de la perception de ce qu’est la « modernité », de ce qu’est l’objectif ultime de notre subconscient collectif. On se dit aussi, à voir tant de luxe dédiés aux loisirs de certains, qu’il existe dans ce monde les richesses nécessaires pour agir.
Toujours du fait de l’aménagement urbain, la COP16/CMP16 est éclatée en plusieurs lieux : la société civile a son propre site où se déroulent les conférences ouvertes (les side events) et où sont placés les stands des ONGs. Les délégations officielles sont à une demi-heure de bus. La société civile est donc moins présente, en quantité et en capacité à interagir directement avec les délégations.
Au-delà de l’aménagement du territoire, le fond de l’air aussi est différent. Ambiance subtropicale, 25°C, soleil radieux, plage de sable blanc et mer d’un bleu azur. Un petit bout de paradis climatique, que l’on voudrait inchangé. Mais l’humidité est élevée et cela alourdit l’atmosphère… Un peu comme l’ambiance sur le fond du sujet. Nous ne sommes toujours pas dans une dynamique de construction d’un régime climatique de long terme. Dans la coordination des ONGs qui s’est tenue le dimanche, il était souligné l’espoir de voir certains chapitres des négociations se débloquer (on y reviendra). Auquel cas, les négociations seraient stabilisées.
Mais il y a toujours le risque, bien présent dans tous les esprits, que ces chapitres n’avancent pas, ce qui conduirait à un blocage majeur, grave dans l’histoire de l’humanité si cela en venait à remettre en question les Nations unies. Les éléments inquiétants proviennent des dégradations sur la scène nationale dans plusieurs pays de première importance, en particulier le Japon et les Etats-Unis. Le pays du soleil levant ne veut plus s’engager sur une seconde période pour le protocole de Kyoto (ce qui serait inacceptable pour de nombreux pays en développement) ; l’Oncle Sam ne veut plus s’engager sur tout accord international (suite aux avancées des Républicains lors des élections de mi-term). Et le monde entier regarde jette un regard à l’intérieur de leurs frontières. La situation est donc ambiguë : quelques éléments positifs ont été constatés, mais ils sont probablement contrebalancés par la diminution de volontés nationales. La pression est grande, mais différente de celle de Copenhague : moins intense, moins palpable, plus diffuse, plus perfide.
Très échaudées par la gueule de bois conséquente à Copenhague, certaines ONGs s’interrogent sur la tactique à adopter : et si l’on souligne l’incapacité à avancer et le manque de progrès, on fait le jeu de ceux qui dénoncent les négociations dans le cadre des Nations unies. Faut-il se taire pour autant ? Qui dénoncer ? Sur qui et sur quoi faire pression ?
A la veille de l’ouverture officielle, force est de constater que la communauté internationale est toujours dominée par les égoïsmes nationaux, que le climat paie le prix de cette construction historique et ainsi que celui des échecs de la première régulation (protocole de Kyoto). Tout espoir n’est pas mort, mais il n’est pas bien grand. Et pour l’heure, nous courons vers 3 ou 4°C supplémentaires en 2100, empêtrés dans des négociations de chiffonniers.
(Avertissement : le décalage horaire tout frais pourrait affecter l’optimisme de l’auteur.)
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Negotiator Tracker - Thomas Matagne
Thomas Matagne, 23 ans, finit ses études en master Sciences et politiques de l'environnement à Paris. Il a participé à la COP15 en tant que membre de la délégation d'un PMA (« pays moins avancé ») et continue son travail sur les changements climatiques pour plus de justice inter- et intra- générationnelle... read more»
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