Deux entreprises françaises plombent la législation américaine sur le climat… et les négociations
Posted on 28. Oct, 2010 by thomasmatagne in E.U., France, bits
Le Réseau Action Climat vient de relayer une étude selon laquelle deux entreprises françaises, Lafarge et GDF-Suez ont participé au financement de Sénateurs américains climato-sceptiques et/ou opposés à une législation sur le climat. Rapide explication contextuelle.
L’impossibilité de Barack Obama à faire adopter une législation nationale pour limiter les émissions de GES à l’échelle de l’ensemble de l’économie américaine est une source de blocage des négociations internationales actuelles. Jonathan Peershing a rappelé à Tianjin, dans une vibrante et agacée déclaration, que les Etats-Unis sont prêts à s’engager à une réduction de leurs émissions de 17% en 2020 par rapport à 2005 (soit 4% par rapport à 1990) avec détermination. Il a fortement repoussé les critiques de ceux qui lui ont rappelé l’absence de législation nationale (la Chine en premier lieu), en affirmant que l’administration agirait quoi qu’il arrive pour respecter cet engagement et que le contexte national ne saurait intervenir dans les négociations internationales. Pershing peut en effet s’appuyer sur quelques signes positifs apparus ces derniers mois : changement de jurisprudence des tribunaux et auto-saisine par l’Agence de Protection de l’Environnement (EPA) permettent d’espérer que l’administration a désormais quelques moyens d’agir. Mais son énervement traduit une fébrilité générale : l’envergure de l’action américaine et la garantie de réalisation sont sévèrement diminuées en l’absence de législation.
Or, dans la physionomie des négociations, le manque de certitude au niveau des actions nationales des Etats-Unis (rappelons qu’ils n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto et donc qu’ils ne sont sous aucune contrainte) est une source de craintes pour les pays émergents mais aussi pour les autres pays développés. Que se passera-t-il si la prochaine administration est, comme la précédente, climato-sceptique ? Les engagements, pourtant trop faibles (il serait nécessaire d’être à -25% de réductions par rapport à 1990 en 2020 et non à -4%), risquent de partir en fumée instantanément, sous pression de l’administration.
La situation internationale des négociations est tendue, voire critique : on sait le niveau des engagements des pays développés trop faible, quand bien-même on envisage le scénario le plus favorable. On sait que la place des Etats-Unis est cruciale dans les blocages actuels et qu’elle s’explique partiellement par la situation politique intérieure de l’Oncle Sam. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la révélation sur le financement de Sénateurs climato-sceptiques ou anti-législation par des entreprises européennes.
Lafarge a dépensé au Sénat 34 000$ en 2010 dont 28 000$ pour des anti-législations et climato-sceptiques. GDF-Suez a dépensé 21 000$ dont 15 000$ pour des anti-législations et climato-sceptiques. D’autres entreprises européennes ont fait de même : Bayer, Arcelor-Mittal, BP… Leur responsabilité sur la situation globale de blocage est indirecte mais réelle.
La question qui émerge est : pourquoi ont-elles fait cela ? La réponse semble évidente : pour servir leurs intérêts. Mais méfions-nous des évidences… En particulier, on s’interroge pour Lafarge, entreprise qui s’est construit une image et un marché grâce à ses politiques offensives en matière de « Responsabilité Sociale et Environnementales ». Avait-elle vraiment à gagner à soutenir des climato-sceptiques ?
Ou alors, serait-ce la preuve de son vrai visage et de son double langage ? A-t-elle calculé que, en bloquant aux Etats-Unis, cela revient à limiter l’effort global et surtout à limiter l’action de l’UE ? Il y a fort à parier que c’est la triste réalité qui ne peut que renforcer le marasme ambiant (i.e. : les Etats n’agissent pas… et les entreprises n’ont jamais eu l’intention d’agir).
On attend avec impatience une prise de position officielle de ces entreprises, comme réclamée par le RAC-France.
Edit : au moment où je mets -tardivement- en ligne cet article (plus de 36h après la publication de l’info par le RAC) , je n’ai vu trouvé aucune déclaration de Lafarge (notamment sur leur site internet)… Tout au plus une interview du Président de Lafarge faisant la promo de la RSE de l’entreprise. No comment.
